Skye – Quinze ans
L'occasion était trop belle. De mon point de vu, le fait que ma famille entière soit en train de se rendre au restaurant pour fêter l'anniversaire de mariage de mes parents, c'était une occasion trop belle pour passer du temps avec eux. A l'école, ce n'était pas la joie. J'avais envie de le leurs dire, même si le courage m'avait manqué et que je n'avais pas eu la foi de leurs faire du mal. Mais le pire, c'était que je n'étais même pas sûre de lui en faire, c'était sans doute ce qui me rendait le plus dingue, dans toute cette histoire. Comment dire à vos parents que les gens se montrent désagréables avec vous ? Comment leurs dire qu'on aimerais changer d'école quand vous savez qu'ils n'en ont probablement pas les moyens ? Je savais qu'ils étaient prêt à faire beaucoup de chose pour moi mais est-ce que j'étais prête à leurs demander ça ? Je n'en avais pas la moindre idée. C'était difficile pour moi, vraiment difficile. Mes camarades ne m'aimaient pas, bien que je sois incapable de savoir pourquoi, ils ne me calculaient pas, ou quand ils le faisaient, c'était pour lancer de la nourriture sur mes habits à la cafétéria ou pour se moquer de moi dans les couloirs. C'était difficile et insupportable aussi. J'avais juste besoin de me battre, d'une certaine manière. Que cela soit simple, ou non, ce n'était pas comme si j'avais vraiment le choix, en réalité. C'était.. Bordel, c'était en train de me bouffer quoi. Le sourire qui était resté sur mes lèvres au moment de monter dans la voiture venait de s'envoler lourdement. J'avais beau cherché une solution, qui pourrait ne pas me faire en parler à mes parents, cela ne semblait pas venir, ça me bouffait, en fin de compte. Et rien ne semblait pouvoir me faire aller mieux.

 « Chérie, quelque chose te tracasse ? », me lança mon père.
 « De petits soucis à l'école.. »

Il ne s'était retourné qu'une seconde, ou presque. C'est le temps qu'il fallutau chauffard bourré de la voiture d'en face pour percuter la nôtre. C'était, oui, le plus mauvais timing de l'humanité. Mais c'est ce timing, qui détruisit ma vie. Ainsi que le fait que mes parents tiennent trop à moi pour ne pas s'inquiéter en cas de problème. En réalité, ma vie se terminé à cet instant. C'est à cet instant que ma vie s'arrêta.

Skye – vingt-un ans
La vie en fauteuil roulant n'était pas ce qu'il m'était arrivé de pire. Au moment où j'avais perdu mes parents, je m'étais retrouvée contrainte de recommencer une vie bien plus compliquée encore. On ne voulait pas de moi. J'étais, selon les dires de certains, trop âgée pour que les gens puissent vouloir m'adopter. Ce qui me semblait ridicule, bien sûr, mais en même temps, les choses étaient comme elles étaient. Je ne pouvais pas reprocher aux gens de vouloir un bébé, plutôt qu'une adolescente. En plus, le fauteuil nécessitait des installations particulières. Et les gens n'en avaient pas forcément les moyens. Bien vite, je me suis retrouvée en famille d'accueil. En changeant, trois fois, parce qu'en dehors de mes problèmes et incapacités physiques, j'avais également quelques soucis au niveau scolaire, puisque personne ne m'appréciait et que l'on s'amusait de mes faiblesses. Je n'avais plus de vie, ou en tout cas, je passais mon temps à pleurer, et à déprimer. Lorsque j'eus ma majorité, les choses devinrent différentes. Je pus accéder à l'argent de mes parents, je pus partir du domicile d'accueil et commencer une vie qui me serait propre. Ca changeait la donne et c'était, d'ailleurs, vraiment important pour ma part. Je n'avais rien de plus à en dire, d'ailleurs.

Cette nuit-là, j'avais un coup dans le nez. J'avais voulu fêter mon diplôme, j'avais voulu me détendre deux minutes. Toute seule, malheureusement, parce que tout le monde avait été là, mais personne ne m'avait vraiment calculé. Non que boire soit devenu mon nouveau truc mais de temps en temps, cela me permettait d'oublier que c'était le bordel, tout autour de moi. Mais cela me fit du bien, en tout cas, bien que ce ne soit pas forcément très judicieux. Je me retrouvais à rentrer chez moi, toute seule, et la nuit, disons que le quartier n'était pas forcément très sûr. New York craignait même la journée parfois, c'était pour dire.

Je ne l'entendis pas venir, il était furtif, rapide et silencieux. Je ne savais pas vraiment quoi dire mais il me semblait évident que les choses n'allaient pas aller en s'arrangeant. C'était vraiment le bordel, en réalité. Et c'était vraiment en train de me bouffer en plus du reste. J'avais la sensation qu'on me suivait, qu'il y avait quelqu'un autour de moi. Et ouais, une gamine en fauteuil roulant, c'est assez facile à atteindre pour un foutu détraqué. Je le savais. J'avais une bombe lacrymo dans mon sac, et j'avais tendance à me persuader que les gens n'étaient pas suffisamment sans cœur pour s'en prendre à quelqu'un qui avait, de base, aussi peu de chance que moi.

 « Votre vie semble pathétique.. »

Le temps de me retourner et voilà que je faisais face à la femme la plus belle qu'il m'avait été possible de voir. Elle respirait la grace, la délicatesse et en même temps, son regard était aussi dur que la glace. Elle m'effrayait tout en me faisant rêver. Est-ce qu'un jour, je pourrais avoir un centième de sa beauté ? Le fauteuil brisant un peu ma grâce, à l'heure actuelle, c'était indéniable. Elle avait raison, en tout cas, ma vie était pathétique, bien que lorsqu'on me le faisait remarquer avec cette voix et de cette manière, ça n'avait absolument rien d'évident.

 « J'ai le pouvoir de tout changer. J'ai la force de te permettre de voir les choses autrement. D'aiguiser tes sens. Et surtout, j'ai le pouvoir de te faire marcher »

Il était difficile pour moi de croire un seul mot de ce qu'elle était en train de dire, comment l'aurais-je pu alors que c'était aussi étrange que ça ? Comment imaginer que moi, je puisse un jour remarcher alors que j'avais vu les radios de ma colonne vertébrale et qu'il n'y avait absolument rien à sauver la dedans ? Comment imaginer que ma situation pouvait s'arranger alors que tout le monde m'avait garanti que ça ne s'améliorerait jamais ?

 « Me fais-tu confiance ? »

Je n'ai jamais su si c'était l'alcool ou sa prestance qui m'avait poussé à lui répondre positivement. Mais je l'avais fait. Et rien de plus n'avait compté à mes yeux. Ma vie ne serait plus jamais la même.

Skye – vingt-deux ans
Il nous poursuivait depuis deux semaines à présent. Nous étions parfaitement incapables de vraiment savoir. Kara avait été blessé. Et nous étions en train de nous cacher dans une grotte, dans une forêt. A force de courir, j'étais même incapable de savoir où nous nous trouvions. Tout ce que je savais, c'était que la blessure qui l'avait touché était en train de la tuer. Je le voyais et elle le savait, elle aussi. De l'anti-loup, trop près du cœur. Qui allait finir par la tuer sans que je ne puisse y faire quelque chose. J'avais beau l'avoir soigné, cela ne semblait pas suffisant. Nous n'avions pas les ressources pour que cela s'arrange. J'étais en larme, serrée contre celle que je considérais comme une mère de subsitution. Mon alpha..

 « Kara, écoutes, il faut qu'on se repose pour aujourd'hui, sinon, on va mourir de fatigue. »
 « Si nous restons ici, nous allons mourir, dans tous les cas, tu le sais.. Nous devons bouger »

Elle tenta de se redresser mais s'écroula, grimaçant et crachant du sang. Dehors, la pluie tombait. Nous n'allions pas survivre très longtemps.. Le chasseur allait nous avoir.

 « Il faut que tu partes Skye. Tu dois te barrer et courir le plus vite possible. Je te ralentis. Et s'il nous attrape, nous allons mourir, toutes les deux. Vas-t'en. »

je refusais de partir mais elle utilisa ce qui nous liait, ce pouvoir, qui faisait que je ne pouvais pas réellement désobéir. J'étais son bêta, je devais obéir et pour le coup, que je le veuille ou non, cela n'avait pas réellement d'importance. Je me redressai, les larmes roulant sur mes joues, incapable de pouvoir rester. Comme s'il y avait quelque chose de plus fort qui guidait mes pas.

 « Kara, arrêtes, je ne peux pas te laisser ! »
 « Va à Kingsbury. Tu y seras davantage en sécurité »

Je baissais la tête, je me devais de lui obéir mais cela ne voulait pas dire que c'était facile pour moi. Au contraire, je voulais rester, la sauver, alors que je savais déjà qu'elle était condamnée, c'était ce qui me bouffait, bien plus que le reste, d'ailleurs. J'hurlais et je finis par courir, le plus loin possible. Ce n'était pas la pleine lune mais j'étais tout de même capable de courir le plus loin possible. En la suivant, j'avais déjà été amené à faire bien des choses. J'avais tué un homme, qui avait tenté de me tuer, à son tour. Un chasseur mais je l'avais tué, pour elle et cela n'avait pas suffit. Nous étions des proies..

Je le sentis avant même de le comprendre, mes yeux se ternirent. Kara n'était plus. J'étais une Oméga.

Skye – vingt-trois ans
J'étais incapable de savoir si j'allais réussir à affronter les choses de la vie. Incapable de comprendre si ma vie allait vraiment mieux se passer dans le coin, une chose me semblait évidente, malgré tout. C'était que je n'avais pas le choix. J'étais ici depuis un an. Kingsbury. Le chasseur ne m'avait pas retrouvé et, en plus de cela, ma route avait croisé celle d'autres loups. Je savais que ma vie prendrait une meilleure tournure ici. J'étais un loup solitaire, et je m'en foutais. J'avais envie une vraie vie..